La Finlande, 100% nature

En 2012, j'ai découvert le traineau à chiens au Canada. L'expérience a été si grandiose que je voulais à tout prix la réitérer. Me voici donc parti en Finlande pour un séjour multiactivités autour des peluches vivantes appelées "huskies".

Mais la Finlande c'est très étendu et tant qu'à y aller en hiver je voulais faire les choses en grand. J'ai arrêté mon choix sur un coin perdu au milieu des bois et des lacs, à 5km de l'ogre russe et à quelques encablures au sud du cercle polaire : Hossa. Vous avez beau chercher dans les guides, seul le Lonely Planet y consacre un entrefilet et peu de sites internet hormis une poignée d'agences de voyages d'aventure comme 66° Nord, Huwans ou Nomade Aventure. Sur place, il n'y a en effet pas grand chose : les rennes et les chiens sont peut-être plus nombreux que les humains. 40 jours à peine après un voyage en Inde, le contraste en termes de densité s'annonce saisissant.

Pour continuer à planter le décor, je précise que, si haut sur le globe, la durée du jour (dans le sens "lumière") est toute autre que par chez nous. A Hossa, la "clarté" sera de 6h par jour maximum, de 9h à 15h. Après avoir vécu l'autre extrême, le soleil de minuit, j'ai bien envie de découvrir l'effet sur mon organisme qui doit être plus réel que celui d'une grande marque d'eau française...

Nature isolée, huskies, rennes, nuit polaire. Un dernier élément vient compléter cet ensemble d'attentes : je rêve de voir une aurore boréale. Je n'aurais cependant pas cette chance, le ciel restant couvert 100% du temps et ce phénomène étant actuellement visible -d'après le site de prévision (si, si, ça existe !)- que dans le Grand Nord.

Avant de me lancer dans le récit, je remercie Norwide, le réceptif, et mon groupe pour les moments fort agréables partagés là-bas.

Vivement Hossa !

Dimanche 7 décembre 2014

Roissy, comptoir d'enregistrement. Je fais la queue derrière une horde de japonais achevant probablement leur tour d'Europe en 10 ou 20 jours. Comme ils n'ont pas l'habitude de l'avion, certains ont un bagage qui dépasse les 23kg. Il faut donc re-répartir les charges. Roissy se transforme en brocante avec des valises qui se vident et d'autres qui se remplissent ... et une queue d'autres passagers à vrai dire un peu désabusés par le blocus nippon.

Le premier vol conduit à Helsinki à bord d'une compagnie low-cost qui monnaye tout service en dehors de l'eau, le café et le thé : la Finnair. Ah, au temps pour moi, les tarifs ne sont pas low-cost, c'est juste la prestation. En tout cas, pas de repas ou de collation à bord alors qu'il est midi et qu'on a 3h30 de vol, c'est moyen.

Helsinki, 5h d'attente. Je fais la connaissance de Laurence et Jean-Baptiste qui sont comme moi en transit. On est étrangement d'accord pour ne pas végéter à l'aéroport et aller voir la ville. Pour ma part, je connais déjà un peu et je cherchais initialement un marché de Noël. J'utilise l'imparfait car j'ai vu hier sur le site internet de l'office du tourisme que, dans la capitale finlandaise, il ne sera ouvert que demain, 8 décembre. A 1 jour près, c'est un peu la loose ! Et pourquoi ouvrir si tard d'ailleurs ? Bon d'accord ça ne fait que 15 jours que j'ai prévu de passer mais quand même ... Je reporte donc mes espoirs sur une visite complémentaire de la ville, "by night" cette fois-ci. Quelques décorations de Noël et illuminations mais très modérément. A vous faire hésiter que vous êtes bien dans le pays du vieux monsieur en pyjama polaire ringard rouge et à barbe blanche, celui qui ne sachant rien dire en finnois se contente d'un "ho ho ho !".

Les curiosités se concentrent  autour du port et de la place du Sénat. Sur la seconde, la cathédrale immaculée domine les lieux avec prestance et veille sur un sapin sans guirlande, un marché de Noël fermé et des bâtiments officiels peu éclairés. Passons au bord de la Baltique, du côté du quai d'amarrage des ferries, l'église Uspenski, la plus grande cathédrale orthodoxe d'Europe hors Russie, vaut le coup d'oeil pour son intérieur riche. C'était sans compter que les dimanches d'hiver elle ferme à 15h. De ce même côté, une nouveauté : une grande roue couleur bleue qui tourne à vide, la plus belle décoration de la ville en fait. Le reste est tout aussi enthousiasmant : ancienne halle fermée pour le week-end de la fête nationale (c'était hier ...), "Champs Elysées" locaux glauques et déserts, église sous la roche fermée depuis 2 minutes. Je sens que cette journée va devenir mémorable ... Je finis par vadrouiller autour du grand lac au coeur du centre-ville en attendant le bus. Le ciel est d'une teinte inhabituelle : il décline toute une palette brune particulièrement surprenante.

Retour à l'aéroport, il va être l'heure de diner et je mise pas mal dessus pour absorber enfin un vrai repas ! Sauf que le plus petit sandwich triangle, genre dégueu servi auparavant par la SNCF, est à 10€, le cookie à 2,3€ l'unité ... Pour un amuse-gueule ou un biscuit, je ne me résous pas à mettre un tel prix. Je trouve donc une alternative : acheter en duty-free des biscuits. Comme c'est une journée "loose" modèle, je me vois refuser toute vente car je suis en transit sur un vol intérieur donc je ne peux pas y prétendre même si je payais les taxes. Je finis pas dégoter 2 pommes à 1€ l'unité, probablement des soldes ?

Je vais terminer ce récit sur un ton positif. Les compatriotes d'Arto Paasilinna ont de l'humour et devant la porte d'embarquement pour Rovaniemi est disposé le traineau du Père Noël. Sympa le clin d'oeil ! Ce n'est toutefois pas notre destination : nous nous rendons à Kuusamo, à une centaine de kilomètres au sud du cercle polaire. 1 heure de vol pour passer de la capitale fermée et endormie à un environnement enneigé. Voilà qui fait davantage "hiver". La température est par contre clémente : 0°. Autour du tapis de récupération des bagages, les décorations sont multiples : lutins, grand tétras, traineau du Père Noël ...

Deux camionnettes sont disponibles pour terminer le trajet. Nous sommes 10 touristes à être reçus par Norwide pour cette première semaine de la saison et parmi nous 3 sont espagnols. Je monte avec eux pour pratiquer la langue de Cervantès. On nous remet en outre un livret de bienvenue avec le programme de la semaine et d'autres informations utiles. J'apprends ainsi que je suis dans le groupe 3 et que nous serons 3 à le constituer : Noémie qui effectue son premier voyage d'aventure (tu n'as pas choisi le plus facile ...) et qui travaille dans le même groupe que moi, et Sandrine qui a visité à peu près tous les pays du monde plus deux ou trois. L'entente sera excellente tout du long.

La route est enneigée. Pourtant nous filons à environ 80km/h. Chose étrange et pourtant logique : il n'y a quasiment aucun feux tricolores. La ville est extrêmement étendue (70km environ) et la densité très faible. En Finlande, même avec une baraque tous les kilomètres ou deux, on reste dans la même commune. Je n'avais jamais couvert autant de distance pour aller dans la localité voisine. En cours de route, l'autre camionnette devant nous manque de percuter un troupeau de rennes. Première opportunité pour les prendre en photos. J'en vois enfin en dehors d'un zoo et ce n'est pas faute d'avoir cherché à en rencontrer précédemment.

Hossa, enfin. C'est l'une des communes les plus étendues au monde paraît-il. On y vit de peu : le tourisme, le bois et les rennes. L'endroit ressemble à un village avec des cabanes en rondins. Le camp de base de Norwide est mignon et donne sur un lac. Gelé et dans le noir complet, nous ne bénéficions pas encore de toute la vue cependant. Plusieurs bâtiments sur place : l'administration, le lieu de vie et de restauration, les chambres et le sauna. Il est 22h30 et tout en découvrant l'équipe jeune et dynamique, nous pouvons enfin profiter d'un délicieux repas avec notamment une soupe aux morceaux de saumon à en tomber par terre. Ne reste plus qu'à s'installer dans les chambres (de 2 personnes maximum) et à se coucher. Il est déjà 00h30.

Canirando

Lundi 8 décembre 2014

Le jour ne se pressant pas pour se lever dans le coin, nous non plus. Premier constat pour ma part : l'obscurité plus longue me fait dormir davantage. La Laponie a fait de moi un opossum pour peu que cet animal puisse vivre à une telle latitude. Le petit déjeuner est servi quotidiennement à 8h30 pour un départ une heure plus tard. Exceptionnellement, le "magasin" ouvre ce matin pour mettre à notre disposition le matériel utile à nos activités. Les autres jours, il faudra passer le soir. Dehors, la température reste autour de 0°, le ciel est bas, gris et déverse sur nous un mélange de pluie et de neige.

Pour en venir à l'activité, nous sommes encadrés par Maud pour toute la semaine et Matthias pour la journée. Au menu : canirando. Le principe est simple : vous marchez raquettes aux pieds et muni d'une large ceinture à disposer sur les hanches. A celle-ci va être accroché un chien. Norwide a la bonne idée pour cela de dédier à cette tâche les chiens de traineau "à la retraite" mais "sociables", ce qui se résume par les vieux chiens encore bien portants. L'initiative est remarquable car sans cette précaution votre jeune camarade à 4 pattes vous ferait parcourir la moitié de la Finlande dans la journée, peut-être bien à plat ventre. Les anciens ont un peu moins de force et sont donc davantage maitrisables. Les trois heureux élus sont Clay au pelage marron, Ayla la plus "husky" de la bande et Volga à la fourrure noire. Pour eux, c'est la première sortie de la saison -hors entraînement- et ça gémit et ça aboie d'impatience pour que nous partions plus vite.

De la force, ils en ont à revendre et les retenir sera au mieux secouant, au pire renversant. Aussi, au bout de 10 minutes, notre perception de la température ambiante a-t-elle grandement changé ...

Nous commençons par traverser le lac devant l'hôtel. Il est recouvert de 25 cm de glace mais, en raison de la "forte" température, il y a un peu de neige fondue en surface : c'est ce qu'on appelle la "slush", une plaie qui ralentit en traineau. Nous attaquons ensuite un accident de terrain. D'anciens glaciers et les rivières qu'ils ont créées en fondant ont accumulé d'épaisses couches de limon dont nous cherchons à atteindre le sommet. La ligne de crêtes ainsi formée, sur laquelle nous allons circuler, est appelée "escaire". Sur les côtés, nous laissons de temps à autres des lacs plus ou moins gros, toujours glacés. La seule difficulté ce matin : une pente assez raide à descendre. Raisonnablement, nous préférons détacher les chiens pour ne pas tomber ou se prendre de troncs.

A midi, nous atteignons une cabane de luxe : elle est même équipée de toilettes (sèches) pour personnes à mobilité réduite ! En Finlande, les bûches sont déjà prédécoupées car on se trouve dans un parc protégé. Des outils sont également à disposition pour les fendre. La seule condition est de prendre soin des lieux et de tout remettre à sa place. Vu les dimensions imposantes de l'abri -presque une bergerie-, nos encadrants font deux feux : un dehors pour la cuisine et un sous le toit pour se réchauffer. Au menu : soupe lyophilisée, croques monsieur et, ô délice, fondant au chocolat ! En tant que groupe le plus épicurien de la semaine nous allons entièrement régler le sort de ce dernier tandis que les autres groupes n'y parviendront pas. Quel gâchis, ils auraient pu nous l'apporter !

C'est reparti pour la seconde partie de la balade. Ayla et Volga, les deux femelles, sont parfois laissées libres car c'est davantage dans leur tempérament. Un instant de témérité et la seconde passe à travers la glace après être montée sur un trou de pêcheur à peine gelé. L'eau est glaciale mais comme elle est bien isolée par sa fourrure et que sa température de confort est située autour de -20°, elle s'en sort sans trop de préjudices. Pour un homme, le résultat serait tout autre ... La solution partielle dans ce cas-là serait de se rouler dans la neige car celle-ci absorbe l'humidité.

Nos compagnons nous gratifient régulièrement d'une autre facétie : ils enlacent sans arrêt les "laisses" qui les relient à nous. Par exemple, ils font le tour de quelqu'un puis s'éloignent pour batifoler; les jambes nouées, il est dès lors plus facile d'aller goûter du flocon (mais pas d'avoine celui-là ...). Au lieu de passer trois jours à démêler l'inextricable, le plus simple est alors de détacher un des chiens avant de repartir. Sauf si entretemps ils ont récidivé ... Enfin, en s'accroupissant, ils apprécient de venir collecter les caresses, sans vous sauter dessus en plus car ce n'est pas dans leur éducation.

Vers 14h30, la nuit est sur le point de tomber. A l'autre bout du lac brille un point lumineux : le camp de base. Avec la clarté de la neige, nous pouvons terminer sans frontale. Après avoir rangé le matériel, nous partons découvrir le chenil à 3 kilomètres (à cause des aboiements). Il est constitué d'enclos ouverts sur la partie supérieure et contenant de 2 à 6 chiens qui, tous, réclament leur lot de caresses. Ca prend une plombe d'être équitable sachant qu'il y en a 140 ! Les "leaders", eux, sont attachés à un pieu à l'air libre. Sur place, il y a tout de prévu : hôpital pour les blessés, enclos pour la reproduction, palettes de viande congelée et frigidaire pour ... la réchauffer !

Au retour à la base, certains vont tenter le sauna. Je préfère discuter pour ma part avec ceux qui n'y vont pas. Un billard permet aussi de se divertir. Le buffet pour le diner est très consistant : salade, boeuf, pâtes, légumes, poisson aux amandes, yaourt ... Quant à la soirée, elle comprend le brief quotidien en vue du lendemain et des jeux improvisés tels le Times Up ou celui avec les post-it à se coller sur le front pour deviner qui on est. L'une de nous étant Thoutmosis III (désolé pour l'erreur sur le numéro Clin d'œil), la partie dure un certain temps ...

Raid raquettes J1

Mardi 9 décembre 2014

Procéder par étape, c'est la démarche adoptée pour cette semaine. Hier, avec une ou deux bûches pour trois, nous avons montré qu'on pouvait mettre la barre encore plus haute que la canirando. Norwide a donc rajouté un paramètre supplémentaire aujourd'hui : la pulka. Si vous ne savez pas ce que c'est mais que vous avez quelques images du Grand Nord en tête, vous voyez peut-être ces traineaux que les explorateurs polaires tirent derrière eux et qui contiennent leur équipement ? Toujours pas ? Laissez tomber et aller voir directement la photo ci-dessous. Comme c'est une première et pour deux jours seulement, nous bénéficierons cependant d'aménagements : tous les lacs n'étant pas pris, nous allons être déposés au milieu des bois avec notre matériel de la journée, puis la camionnette ira déposer le reste de nos affaires à la cabane de ce soir.

Revenons un peu en arrière pour quelques précisions supplémentaires : ce matin, au sortir du petit déjeuner, la lune est apparue. Oh pas longtemps ... 5 minutes tout au plus. Mais c'était juste magique car c'est la première fois qu'on la voyait brièvement à travers l'épaisse couche nuageuse. Comme quoi, il en faut peu pour être heureux ! Ensuite, il a fallu mettre dans un sac étanche nos affaires pour la nuit puisque ce soir nous dormons dans un autre lieu. Mieux valait ne pas prendre trop avec nous car, si aujourd'hui c'est la camionnette qui transportera l'essentiel à la cabane, demain tout sera dans la pulka. Exit donc doudous, pantoufles-Rudolph-le-renne, table de chevet avec Guerre et Paix ou l'Iliade, mug Buzz l'Eclair, bonnet et brosse de bain, ... (je plaisante rassurez-vous)

Notre groupe se recompose : Erwan remplace Matthias pour la fin du séjour, Ayla reste au chenil. Clay monte en grade : en plus d'un boulet, il doit aussi tirer une "remorque" à présent. Volga passe à 3/5ème : 60% du temps à tirer l'un de nous, 40% à vadrouiller en liberté.

Arrive le moment du largage en pleine nature. Nous mettons les raquettes et je propose de commencer à tirer la pulka avec l'aide de Clay. Sur le plat, sa contribution est si importante que je sens rarement le traineau, sauf quand nous ne sommes pas synchros et qu'il y a alors des à-coups différés : devant le chien qui tire comme un forcené et derrière la pulka accrochée à la neige collante qui repart quand les câbles sont tendus. En montée, les efforts sont proportionnels au nombre d'arbres bordant la trace. Vous ne voyez pas où je veux en venir n'est-ce pas ? Alors laissez-moi vous expliquer ... Imaginez un chien de traineau -au hasard Clay- lâché dans une belle forêt et que son passe-temps favori soit de marquer chaque arbre d'un jet d'urine. Pas de chance pour vous mais, ô joie, vous êtes précisément dans ce type d'environnement, qui plus est dans un petit raidillon. Devant votre compagnon pourtant si généreux dans l'effort change de priorité ("oh un arbre !") et vous laisse tracter seul la pulka. Argh !!! Puis, votre chien repart comme une flèche en avant et manque de vous arracher le bassin en plus de la ceinture. "Oh un arbre !" Bilan : vous prenez régulièrement une double-détente et l'effort fini par être plus fatigant. "Oh un arbre !" Pitié !!! Enfin, la descente est un autre moment délicat où vous devez être assisté d'une autre personne car si celle-ci oublie de retenir la pulka, par exemple prise dans une discussion, celle-ci viendrait vous faucher et le brave Clay avec, et vous vous retrouveriez dans un bob à 2 à devoir éviter les arbres ... Aussi le plus sûr est-il d'avoir toujours quelqu'un derrière prêt à retenir le traineau.

Autour de nous, un paysage de forêt primaire dans la mesure où les finlandais laissent les arbres morts en place et la forêt s'autoréguler. Des incendies naturels viennent très rarement la régénérer. Le diamètre des arbres n'est pas très impressionnant et pourtant certains sont centenaires. Le froid est une partie de l'explication, la nuit polaire encore plus. Les arbres sont aussi "intelligents" dans la mesure où certains s'auto-élaguent : le but étant d'accéder à la lumière le plus vite possible en dépensant le moins d'énergie, ils laissent mourir les branches inférieures.

A midi, nous nous arrêtons dans un petit campement au bord d'un lac. Erwan nous conduit via des passerelles en bois à une curiosité locale : au bout d'un ponton à ras d'eau (ou de glace), une microfalaise comporte quelques peintures rupestres : chasseurs, chamans, rennes, élans et un ours. Les pigments s'effacent un peu avec le temps mais certains dessins restent bien identifiables. A notre retour, Maud a chauffé sur son grill un cake au thon excellent. Avec une fondue aux fruits et au chocolat, il est difficile de se motiver pour repartir.

Pour l'après-midi, je laisse la pulka à Sandrine puis Noémie. Nous traversons notamment une tourbière, moins densément boisée. Les derniers hectomètres sont effectués dans la nuit. Le refuge comprend 3 bâtiments dont deux accolés : la réserve de bois et les toilettes d'une part, les deux chambres et le sauna d'autre part. A notre arrivée, il fait 1° dedans (comme dehors). Maud répartit les tâches : avec Noémie, nous partons pomper de l'eau pour le sauna notamment. Nous allons ensuite récupérer les bûches fendues par nos guides pour les ramener près des poêles. Rapidement, la température va monter jusqu'à 27° étant donné la taille de la pièce. Nous pouvons alors nous installer autour d'un chocolat chaud avant, pour certains, de rejoindre le sauna.

Au diner, il y a largement de quoi ne pas mourir de faim : salade à base de féta, noix, concombres (youpi !) et Scandinavian Herbs, pâtes et sauté de porc, yaourt. Le tout avec les bougies qui créent une ambiance très sympa. A l'heure de se coucher, la lune se repointe fugacement. La température reste telle à l'intérieur qu'il est impossible de dormir et dans le duvet -20° que nous fournit Norwide, et dans le sac polaire que j'ai emporté avec moi. Heureusement, la température va tomber durant la nuit et le sommeil va finir par s'installer. En attendant, il était bien agréable de regarder la faible luminosité à travers la fenêtre.

Raid raquettes J2

Mercredi 10 décembre 2014

Le signal du lever est donné à 8h, il fait nuit et la température va remonter doucement à mesure que le feu consume le bois. Petit déjeuner puis on passe au nettoyage de la cabane pour la laisser dans l'état où nous l'avons trouvée hier, la chaleur (temporaire) en plus. Pour les eaux usées, un collecteur se trouve à l'extérieur et filtre les impuretés à travers une couche de sable.

Clay et Volga commencent à s'exciter et aboient en conséquence quand nous passons à proximité. La sensation de froid au démarrage est un peu plus forte ce matin à cause du vent qui s'est levé. Comme hier, je propose de démarrer avec la pulka pour me réchauffer. Le profil de l'étape est vallonné comme des montagnes finlandaises (ici on ne fait pas d'allusion au voisin slave sauf à évoquer les raclées militaires ou les défaites sportives). Deux montées raides viennent agrémenter notre parcours. Quand Clay commence à faire de la patte à un arbre, je sens de suite la différence. La plupart du temps, il reste cependant très professionnel, dans la mesure où un chien puisse l'être bien sûr ... Derrière moi, Erwan gère parfaitement la trajectoire de la pulka et la retient dans les descentes. Aussi progressons-nous bien. Il n'y a que quelques virages à angle droit avec un arbre juste au coin qui posent problème : 3 fois, Clay passe, je le suis avant que la pulka ne nous propulse vers l'arrière, s'étant coincée avec l'obstacle.

Nous sommes sur un très beau chemin de crêtes avec des dévers de part et d'autre. J'ai la sensation d'être un funambule en équilibre au-dessus du vide. Sur le trajet également deux ponts sachant que Clay en a une peur bleue. Pourvu qu'il ne décide pas de les contourner par la rivière ... Mais notre vaillant compagnon va se dépasser et parvenir à les franchir. Le second est particulièrement rude car il commence par un escalier. Il faut donc détacher chaque élément de notre "convoi" hétéroclite. Je descends la pulka avec l'aide d'Erwan alors que Maud s'occupe des deux chiens. Régulièrement, des rivières, libres du fait du courant, serpentent au bord d'un lac ou au milieu de la forêt, majestueuses. Nous apercevons également des traces de passages de castors : troncs rongés ne tenant parfois plus en équilibre que du fait de la pause hivernale dans les activités de bûcheronnage des rongeurs.

A 11h30, Maud nous laisse le choix entre pique-niquer de suite ou poursuivre 1h30. Nous retenons la seconde option et revenons ainsi au site de pique-nique du premier jour. A proximité, sur le même lac, des finlandais pêchent ou tentent de le faire car, en hiver, ça ne mord pas beaucoup, les poissons étant au ralenti. Comme pour un clin d'oeil, notre repas se compose notamment de bonnes papillotes de saumon. Ainsi, s'ils n'ont aucune prise ce soir, peut-être auront-ils au moins bénéficié de l'odeur même si celle-ci ne se répand pas autant.

Cette après-midi, Erwan prend les commandes, Noémie la pulka. En une heure de temps, nous débouchons sur le lac du camp de base que nous allons traverser une nouvelle fois de nuit. Parvenus sur place, nous remercions Volga et Clay comme il se doit, discutons un moment de notre virée et goûtons le saucisson de renne proposé par Lydia et Javier, deux de nos acolytes espagnols. Celui-ci est en fait assez fort et le goût fumé ressort bien. Au final, c'est bon. Un peu plus tard, nous profitons de la présence des patrons de Huwans et 66° Nord pour échanger avec eux sur leurs agences et ce jusqu'au repas. Puis, Maud vient nous briefer sur la journée de demain, comme tous les soirs, et parvient à stresser au moins un peu Sandrine et Noémie.

Raid traineau J1

Jeudi 11 décembre 2014

Enfin les retrouvailles avec le traineau à chiens. Youpi !!! En sortant ce matin, je m'aperçois illico que quelques centimètres de neige fraîche sont tombés pendant la nuit. Après le petit déjeuner, nous sommes conduits à une poignée de kilomètres pour le départ du "raid", toujours en raison des lacs non pris. Au milieu de la route et des bois apparait la remorque à chiens. Elle comprend un grand nombre de cellules où sont enfermés un à deux animaux. Pour le moment, ils sont assez calmes et Maud en profite pour nous apprendre les rudiments du pilotage. Le traineau est un peu différent de celui du Canada car il n'a pas de tapis en guise de frein léger. A utiliser uniquement et trop fortement le "frein à main", un arc en acier sur lequel appuyer comme sur une pédale, les chiens peuvent se fatiguer très vite si l'on pilote trop nerveusement. Elle détaille ensuite les principales instructions et notamment les quatre commandes "vocales" permettant de diriger la chienne de tête. Plus moderne que bon nombre de voitures ce "kit mains libres", non ? En plus, les chiennes sont ici francophones ce qui facilite la mémorisation des consignes. Imaginez un peu s'il fallait les transmettre en finnois, cette langue difficilement prononçable : nous serions dans le décor avant même d'avoir pu prononcer correctement la première syllabe ! Les quatre commandes sont simples : 1) "Devant" en donnant une impulsion vers l'avant pour démarrer, 2) "OOOooh !!!" en appuyant sur le frein pour s'arrêter, 3) et 4) "A droite" et "A gauche" pour tourner dans la direction appropriée quand votre chien de tête n'a pas été éduqué par quelqu'un qui confond depuis toujours les deux, comme vous... Il faut avouer que certains des nôtres avaient un peu de mal avec ces deux dernières consignes obligeant Maud à les remettre dans la bonne direction. En tout cas, toutes sont suffisamment brèves pour pouvoir aisément se les approprier. Enfin, nous découvrons sur une "carte postale" notre attelage de cinq chiennes et la taille du harnais de chacune. Dans mon cas, à l'avant se trouve Asha en leader (qui reçoit les ordres) assistée de Goldy. En team, seule au milieu, Maya qui va impulser le rythme. En wheel, à l'arrière, Laïka et Whity doivent gérer l'arrachage du traineau au démarrage.

Contrairement à ce que la plupart pense, tous les chiens de traineau n'ont pas l'apparence de "huskies" et d'ailleurs ce terme recouvre plusieurs types : malamutes, groenlandais, alaskayans, ... Selon la caractéristique que l'on veut donner à ses chiens (endurance, puissance, vélocité, intelligence, ...), on procède à des croisements qui se traduisent par une grande diversité de physionomies.

Après la théorie, place à la pratique : il faut à présent aller récupérer ses 5 chiennes, leur enfiler le harnais puis les atteler au traineau sans les lâcher. Entre les mains, vous n'avez pas le "petit bichon à sa mémère" mais plutôt un enfant surexcité comme au matin de Noël ou à la sortie de l'école : toute une fougue et une excitation à canaliser pour arriver à vos fins ! C'est rudement physique et certaines chiennes ne vous aident vraiment pas car elles aimeraient trop partir en courant tout de suite, là, maintenant. D'autres, au contraire, comprennent qu'en vous aidant, vous le débutant ou presque, tout ira plus vite. C'est à peine si ces dernières ne mettent pas le harnais seules, tout du moins le cou dans le double "Y" et il ne reste plus qu'à leur passer les pattes aux endroits appropriés. Une fois attelé, ça saute, ça hurle, ça aboie, ça se roule par terre et ça tremble d'impatience. Il ne va pas falloir tarder ... En une dizaine de minutes nous sommes prêts et Samy qui est venu nous aider n'a eu qu'un seul chien lâché à poursuivre sur 28.

Les traineaux sont les uns derrières les autres car, à même hauteur, il y a risque d'emmêlement ou de bagarre. Je suis en troisième position, au milieu de notre caravane. Devant, Maud part comme une fusée. Elle a 8 chiennes car elle ouvre la piste, en forme certaines et doit avoir des remplaçantes au cas où l'une des nôtres aurait un problème. Peu après c'est au traineau de Sandrine de bondir en avant. Le compte à rebours est déclenché. Encore retenir les miennes qui sont au summum de l'excitation. Au moment de la délivrance, mieux vaut être bien accroché pour ne pas basculer tout de suite. Les premiers hectomètres sont effectués à fond de train pour relâcher la pression, nos compagnes seront ensuite plus calmes. Derrière arrivent Noémie puis Erwan.

Nouveauté pour moi : ici on ne se suit pas en procession mais nous laissons 200 mètres ou 20 secondes entre les traineaux. De ce fait, je me retrouve parfois seul avec mon équipage au beau milieu de la forêt. Un vrai moment privilégié ! En outre, je bénéficie de mon expérience canadienne et arrive à vraiment me détacher de la technique pour simplement en profiter à fond et en toute décontraction.

Notre parcours traverse tourbière (dégagée) et forêt (plus technique). Il n'y a pas trop de vallons ce qui simplifie la tâche. En effet, le traineau ce n'est pas se laisser tirer comme un sénateur : quand la neige colle, il faut patiner d'un pied pour relancer l'allure; en montée, il faut descendre, courir et pousser le traineau pour aider vos compagnes; et en descente, il faut gérer la masse et la vitesse du traineau pour qu'il ne cogne jamais l'arrière-train de vos wheels. C'est très traumatisant pour un chien ! Et quand il fait très froid (pas comme cette semaine), il faut faire tout cela sans transpirer pour que la couche la plus proche du corps ne gèle pas avec la sueur éventuelle...

Ce matin mes chiennes n'ont pas trop la pêche et j'ai régulièrement Noémie sur les talons. La faute est sûrement partiellement mienne mais c'est aussi la première sortie de la saison.

A midi, pour la pause, il faut remercier ses chiennes du travail accompli (comme à chaque pause d'ailleurs) par des caresses. Les rongeuses de harnais sont ensuite dételées et attachées à un arbre. Toutes peuvent enfin s'endormir paisiblement. Enfin, en théorie, parce que certaines de nos compagnes sortent pour la première fois de leur vie en raid et préfèrent hurler un peu. Quant à nous, il faut se couvrir et, à cette fin, on nous a remis des vestes grand froid. Si l'on considère aussi les bottes que l'on nous a fournies, j'ai presque doublé de volume et je suis au chaud.

Nous repartons pour 1h30 environ. Tout commence par un demi-tour manqué où les deux derniers traineaux emmêlent copieusement leurs lignes de trait. Aux intersections, il faut se rapprocher pour partir du bon côté. Kiwi, leader du traineau de tête, a parfois du mal avec droite et gauche et Maud doit lui montrer la direction à prendre en descendant et en la tirant. Mes chiennes sont désormais beaucoup plus dans le rythme. Ne croyez pas cependant que l'allure soit très importante. Sur le plat, nous devons tourner à du 10km/h, parfois un peu plus. Une des chiennes de Sandrine saigne de la patte. Nous arrêtons notre procession. Maud met la blessée dans son traineau et détèle une de ses 8 compagnes en remplacement.

La nuit tombe peu à peu. Nous nous arrêtons pour mettre les frontales. Une caravane de lumière progresse dans la forêt. C'est féérique ! Une seule faute à signaler : un premier lâché de traineau pour Sandrine alors qu'elle règle une frontale capricieuse. Nous sommes alors spectateur d'un genre de cartoon où, après avoir relevé cet incident, nous la voyons courir après son traineau. Sauf que l'écart se creuse, petit à petit, irrémédiablement ... Quand ça n'arrive pas à soi, la scène est plutôt comique.

Puis nous arrivons à la cabane. Les tâches à accomplir sont les mêmes qu'il y a deux jours sauf qu'il faut aussi s'occuper de nos braves animaux : caresses pour les récompenser, enlever les harnais, attacher les chiennes à la stake (une ligne de vie en acier) pour qu'elles y passent la nuit, les faire boire et les alimenter. Pour les hydrater, ça se passe en deux temps : d'abord une écuelle d'eau qu'un certain nombre ignorent ou renversent car elles n'en veulent pas, puis un sirop avec des croquettes pour les forcer à boire. Les plus malignes renversent leur écuelle pour n'ingérer que les croquettes. En soi, ce n'est pas grave si elles ne boivent pas car elles peuvent absorber de la neige comme le fond les chiens au Groenland, mais c'est mieux paraît-il pour elles. Et en guise de repas, le seul de la journée, 800 grammes de viande gelée constituée notamment d'abats. La ration ne change pas avec le gabarit. Les plus jeunes chiennes s'apprêtent à passer la première nuit de leur vie en dehors du chenil et nos guides ne savent pas trop comment elles vont réagir. Après avoir, pris nous aussi une boisson (chaude), la moitié de la troupe part au sauna tandis que je reste discuter avec Maud et écrire mon carnet de voyage. Je n'aime pas les écarts de température donc le sauna très peu pour moi ... La cuisine mijote doucement et répand dans la cabane des effluves bien agréables. Ce soir, après un plat riz-haricot-saumon, nous avons le droit à des crêpes ! Après une orgie de "biscuits Ikea" en arrivant, le bonheur n'est plus dans le pré mais dans la cabane...

Raid traineau J2

Vendredi 12 décembre 2014

Cette nuit la température intérieure a baissé bien plus que dans la première cabane rendant utile le duvet. A nouveau, il faut nettoyer l'intérieur ainsi que le sauna, un autre groupe y revenant ce soir.

Samy débarque en voiture vers 9h pour nous assister pour le départ. Nous commençons alors à chacun harnacher nos chiennes en débutant par les leaders et en finissant par les wheels. Ainsi la ligne de trait reste tendue et les chiennes déjà attelées ne partent pas en vadrouille, celles en tête étant avant le départ attachées par le cou au traineau de devant. Mon équipe de 5 est très coopérative pour enfiler les harnais et très fougueuse sur les cent mètres entre la stake et le traineau. Je parviens ainsi comme hier à toutes les positionner seul. Le départ approchant de plus en plus, la clameur monte dans la forêt auparavant si silencieuse. C'est parti avec toujours une petite marge de sécurité entre nous. Au premier virage, Samy rattrape le loupé d'Asha qui partait à gauche au lieu de sa droite. Nous sommes sur une route -peu fréquentée- du parc pour quelques hectomètres. Je ne vois pas le traineau devant moi qui a déjà bifurqué quelque part dans la forêt et ce quelque part, c'est là où Samy a parqué sa camionnette. Son aide aura été précieuse ce matin ! Ma petite équipe est également en superforme aujourd'hui et je reviens régulièrement dans les jambes de Sandrine. Je dois alors m'arrêter pour recréer un écart.

Erwan guide ce matin et nous fait prendre à deux reprises un parcours à fort dénivelé. L'effort est intense. L'expérience est pour moi un atout indéniable aujourd'hui et la forme des chiennes aussi. Quel équipage ! Nous avons même réussi à semer un vieux monsieur à barbe blanche qui stationnait avec son traineau à rennes à l'entrée du périph' de Hossa. Un gréviste ? Pour Sandrine et Noémie, c'est un peu plus compliqué du fait de la technique ou de la crispation. A deux reprises en me retournant je me vois poursuivi par un traineau fantôme ou alors conduit par un nain ? A moins que ce ne soit qu'un simple lâché de traineau ? Dans le doute j'intercepte les leaders pour arrêter cet attelage en plus du mien. La première fois, je vois apparaître Noémie sur les patins derrière Maud. Tiens, du traineau synchronisé ? Original !

Nous empruntons aussi un chemin de crêtes parfois. Sur le dernier lac couvert de slush (mélange de neige et d'eau), Asha, jusque-là irréprochable semble prendre peur et n'avance plus jusqu'à la pause de midi, désorganisant tout l'attelage. Je ne parviens pas à rétablir la situation, ralentissant les deux traineaux derrière moi et ne parvenant que très difficilement à accrocher celui de devant. Aussi, à midi, Maud décide-t-elle de la remplacer par Pepsi qui va remettre du dynamisme. A nouveau je rattrape régulièrement le traineau de devant et ne suis plus aussi fréquemment seul en pleine nature. La neige s'est mise à tomber en petits flocons qui viennent fouetter les visages, parfois même les yeux.

Notre fin de parcours, en nocturne, emprunte une piste de ski de fond éclairée par des réverbères. Scène assez irréelle. Une dernière descente à négocier avec au bas un virage à angle droit. Nous longeons alors la route et croisons 4 à 5 véhicules qui nous voit surgir du néant. Lueurs de phare découpant les silhouettes de 5 attelages. C'est sublime vu de ma position.

Ca y est le camp de base est là. Nous remercions chaque chienne comme il se doit. Je retourne aussi voir Asha qui m'a manquée même si Pepsi est tout aussi attachante. Nous enlevons les harnais, une dernière fois, puis conduisons les chiennes à la remorque pour qu'elles retournent au chenil. Mais ce véhicule leur inspire tant de crainte qu'elles se plaquent systématiquement au sol et pèsent de tout leur poids. L'inverse du départ où il faut toutes les canaliser ... Je me vois donc obligé d'en porter une ou deux. Pour terminer, il faut dégeler le traineau pour enlever la couche de glace qui s'est formée lors de la traversée de la slush et qui constitue un poids non négligeable. Un seul de nos traineaux est cassé au niveau du bumper (le pare-chocs avant) : en voulant intervenir sur le traineau de Sandrine et ayant trop rapidement arrimé le sien, nous avons vu l'attelage d'Erwan partir seul. Un arbre au milieu du chemin a heureusement tout stoppé : le traineau s'est encastré dedans et a retenu les chiennes. Maintenant que ce raid est fini, ne restent plus que deux choses avec nous : les souvenirs et ... une forte odeur de chien imprégnée sur nos vêtements qui va se diffuser dans la chambre.

Ce soir, Norwide accueille le séminaire de 66° Nord : le personnel vient ici pour quelques jours découvrir la destination. Sympa le concept ! Pendant ce temps, j'échange avec les trois espagnols au sujet de nos 48 dernières heures respectives. Et pour la soirée, Noémie et Estelle m'enseignent le tarot.

Journée trappeur

Samedi 13 décembre 2014

Journée plus calme sur les traces de David Crockett, de Jeremiah Johnson et des coureurs des bois canadiens. Nous serons cependant loin de nous montrer à leur hauteur. A 9h30, nous partons pour le chenil retrouver Maud et Erwan. Chemin faisant, nous croisons un troupeau de rennes domestiques qui traversent la route. Ils sont superbes avec des sabots qui, comme pour le chameau sur le sable, s'aplatissent en marchant pour augmenter la surface de portance.

Nous récupérons nos guides et partons illico, si bien que nous avons oublié de prendre les raquettes ! En faisant demi-tour, la camionnette s'enlise dans la neige et nous devons descendre pousser. Quelques minutes plus tard, nous repassons par là avec le matériel. Nous chaussons nos raquettes un peu plus loin et partons sur le lac. Des empreintes de 3 centimètres croisent notre chemin. A nous de deviner de quoi il s'agit. Genre "le jeu qui peut durer des heures", surtout que nous commençons par du gros : rennes, élans, ... Au final, il s'agira d'un écureuil. Comme Erwan connaît parfaitement la trappe, il reconstitue devant nous les modes de déplacement des animaux concernés de façon peu académiques. Cependant, il faut avouer qu'avec des raquettes aux pieds, c'est de suite moins évident... Nous allons au final croiser plusieurs autres traces ce matin : lièvres et lapins qui croisent les pattes avant et arrière en courant, renard aux pas quasi alignés sur une droite, souris et musaraignes avec la queue qui traine et des tunnels sous la neige. Nous évoquons aussi le glouton, mi-ours, mi-blaireau qui mange un peu de tout.

En traversant une forêt nous enchainons avec les principales essences du coin : bouleaux dont l'écorce sert à allumer les feux, épicéas, pins et platanes aux troncs lisses. Il y a également beaucoup de lichens, nourriture des rennes par excellence et indicateur de la pureté de l'air. C'est l'association d'un champignon et d'une algue.

A notre gauche, des lacs avec parfois un bosquet en plein milieu : c'est un îlot recouvert par la neige et la glace. Sous l'eau, on trouve principalement des perches, des brochets et des truites. Là où il y a du courant, la surface ne gèle pas, ce qui donne parfois de beaux points de vue. En longeant la rive, Erwan puis moi passons un pied à travers la glace, une couche gelée se forme rapidement sous la semelle alors qu'il ne fait que -2°.

Au bord des lacs, à deux mètres du rivage, les finlandais peuvent construire. Aussi passons-nous devant plusieurs résidences secondaires en bois. Proches de la nature, les habitants ont aménagé sur le tronc des arbres des abris pour les eiders. Entre deux bouts de forêt anarchique, nous traversons une tourbière, espace bien plus dégagé où peu de végétation pousse et, lorsqu'elle y parvient, croît très lentement. Pour assainir ce milieu, des drains ont autrefois été creusés, aménagements aujourd'hui interdits.

Nous finissons par revenir à proximité du chenil où Norwide a reconstitué un tipi same (synonyme moins péjoratif du mot lapon). Erwan nous explique sa technique pour allumer le feu : pyramide de bois par exemple en carré, allumage avec de l'écorce de bouleau, petites entailles dans le bois pour oxygéner le feu et ainsi l'alimenter ... Dessus, nous allons cuire une truite saumonée dans une boîte en fer. Nous parlons ensuite de deux autres sujets principalement :

  • sur les troncs de bouleaux poussent des champignons en forme de demi-disques : il s'agit d'amadou dont les trappeurs se servent pour transporter une braise incandescente qui consume très lentement la "chair". Ils sont ainsi à même de rallumer un feu très rapidement en cas de besoin vital.
  • pour récupérer la fourrure d'un animal sans l'abimer, une incision est opérée au niveau des pattes arrière et de l'anus. Il faut ensuite déshabiller l'animal en tirant sur sa peau. Comme elle est sanguinolente, elle est mise dans une solution à base de soude et d'alun pour sécher avant d'être tannée.

Après le repas, nous allons à un micro-sentier didactique présentant 3 pièges différents parmi ceux qui existent et notamment un collet avec un fil en laiton que l'on "assouplit" et patine en le frottant autour du tronc d'un arbre. Pour un lièvre, il a un diamètre d'un poing et se trouve à une hauteur équivalente au-dessus du sol. Pour un écureuil, le tout est ramené à 3 doigts. Le collet doit être camouflé notamment au-dessous par de la végétation pour ne pas éveiller les soupçons de la proie. Pour sa mise en place, nous voyons deux cas en forme de "catapulte" qui envoient la proie dans les airs et la met temporairement à l'abri des prédateurs et un type de piège par enfermement. Le trappeur est moins un régulateur des espèces animales qu'un chasseur. Il n'a pas le droit de toucher à certaines espèces et doit s'enregistrer pour d'autres. Il est amené à se déplacer sur de grands territoires et utilise pour ce faire la motoneige avant de s'enfoncer dans la forêt primaire en raquettes. Autour de ses pièges, il doit minimiser les traces qu'il laisse pour ne pas alerter les animaux qu'ils chassent, toujours méfiants. Il doit cependant lever ses pièges tous les jours pour éviter qu'un prédateur ne s'approprie sa prise.

Nous retournons pour finir au chenil où nous passons une demi-heure avec les chiens restants, 72 d'entre eux étant partis avec le personnel de 66° Nord. Tous les nôtres sont là.

Comme nous sommes de retour vraiment tôt, j'accompagne Lydia, Laura et Javier, les trois espagnols du groupe, dans une marche vers un élevage de rennes. Ayant raté la bonne intersection, nous continuons sur deux kilomètres avant de commencer à envisager une erreur. Nous toquons donc à une porte où deux hommes plutôt costauds et totalement grisés nous accueillent. Seul l'un baragouine un peu anglais (hic) et précise (hic) qu'il a découpé du renne ce matin. Ils souhaitent nous amener dans la grange voisine (hic) pour aller le voir. Mais étant totalement à l'ouest, donc toujours plus effrayants au fil de la conversation, nous préférons nous éclipser promptement et les laisser cuver tranquilles. Nous sommes avalés et en profitons pour appeler le camp de base. On apprend alors que l'on a manqué la bifurcation et rebroussons chemin dans l'obscurité. Revenus sur la bonne voie, je décide de retourner au centre pour y faire mes emplettes, notamment du saucisson de rennes.

Pour le dernier repas, nous avons le droit au karestus, du sauté de rennes aux airelles, un plat traditionnel finlandais, et, en dessert, à un gâteau non moins local dont le nom m'échappe. Enfin, Norwide a aménagé un bar de glace dehors et nous propose de déguster le "glögi", une boisson de Noël non alcoolisée paraît-il. Pour finir la soirée, nous disputons quelques parties de tarot avant d'aller préparer les bagages.

Route pour le Golfe de Botnie

Dimanche 14 décembre 2014

Le départ est donné à 9h15. Un taxi va nous faire traverser la Finlande d'est en ouest sur près de 200 kilomètres et en 3h30, de Hossa à Oulu située dans le Golfe de Botnie, dans la partie la plus septentrionale de la mer Baltique. Au départ, la route est totalement enneigée. Le trafic est si faible que nous croisons rarement plus de 2 à 3 véhicules par tranche de 10 minutes. Puis, en débouchant sur les routes plus importantes, le bitume va refaire surface et le trafic s'intensifier un peu. Avec parfois plusieurs véhicules dans la même minute, nous frisons l'engorgement ! Aucun feu de signalisation, ni ralentisseur quelconque. Quoique dans cette dernière catégorie il faudrait peut-être que j'incorpore les rennes ? Ceux-ci ont en effet réalisé plusieurs blocus au cours de notre périple, filtrant les automobilistes qu'ils acceptaient de laisser passer. Le paysage est majoritairement constitué de forêts, parfois de lacs avec des îlots au milieu. Régulièrement sur le bas-côté de la chaussée, des totems de 20 à 30 mètres de haut balafrent le paysage pour annoncer des fast-foods ou des centres commerciaux, éléments moches de la civilisation au milieu d'une nature encore si préservée

Sur la toute fin du trajet, le ciel se dégage et s'embrase des couleurs de la fin de journée. Nous ne verrons pas le soleil pour autant mais c'est la première fois que l'on voit une telle luminosité en une semaine.

Oulu est moche : on dirait une banlieue HLM avec ses immeubles de 5 à 6 étages qui étaient déjà là il y a 50 ans. Heureusement, nous allons directement à l'aéroport. Si comme nous, vous n'avez pas prévu de pique-nique, vous allez pouvoir découvrir le coût de la vie locale : exorbitant ! 10€ le sandwich plus une pâtisserie... Il nous reste 2h30 d'attente et il n'y a strictement rien à faire hormis attendre et feuilleter les brochures vantant les plus belles facettes de la ville voisine. Tout comme nous, leurs auteurs sont parvenus à identifier si peu de curiosités qu'à l'emplcament d'un parc il est indiqué : "very nice, recommanded". Je me demande ce que vaut le reste ...

L'avion décolle avec 20 minutes de retard. Cela va rendre notre escale de 45 minutes à Helsinki compliquée à priori. Au-dessus des nuages, le soleil surgit au raz de la couche moutonneuse. Orange. Eblouissant. Je comprends la joie qu'il doit procurer aux habitants du Grand Nord après une période où il s'est absenté largement ! Ce spectacle est si admirable ! Et je ne dis pas ça parce que je déprime, non, mon moral est au beau fixe, boosté par toutes les activités réalisées au cours de la semaine. Simplement, par la force de l'habitude, le soleil ne disparaissant jamais bien longtemps chez nous, nous ne nous donnons même plus le peine de savourer des moments aussi banals que celui-là et c'est bien dommage parce qu'on passe ainsi à côté de bien des petits bonheurs.

La correspondance à Helsinki est serrée mais fonctionne. Avec quelques autres, je m''offre même le luxe d'attendre nos trois collègues espagnols qui filent vers leur péninsule pour les saluer une dernière fois. Au revoir Finlande !

Le retour en France est agité : le pilote de l'appareil devant le nôtre ne suit pas les consignes et atterrit sans autorisation. A environ 5 mètres du tarmac, notre avion se cabre brutalement et remet les gaz, déclenchant un flot d'interrogations ? Finalement, le sport ça aura été jusqu'au bout !

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